jeudi 9 août 2007

Quand le passif humanitaire divise la grande muette !

Le débat autour du passif humanitaire suscite beaucoup de remous dans l'armée qui a eu à jouer un rôle prééminent dans les événements tragiques de 1989-90-91. C'est en 1986 que les premiers actes contre la communauté négro mauritanienne ont eu lieu avec son point culminant la parenthèse de 1990 et 1991 ou plus de 500 militaires Négro mauritaniens ont été exécutés, accusés de vouloir renverser le régime du Président Taya.
Durant sa campagne présidentielle, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah avait affirmé sa réelle volonté politique de trouver une issue heureuse à la question du passif humanitaire. Deux mois après son investiture, il fait une déclaration officielle dans laquelle il reconnaît le rôle de l'Etat et affirme derechef sa volonté de trouver des solutions justes et objectives à ce dossier qui constitue un lourd et difficile héritage que lui ont délégué le CMJD et le régime de Taya. Quelques jours après ce discours officiel, une délégation interministérielle composée du Ministre de l'intérieur Zakaria Yall et du Ministre Secrétaire Général de la Présidence de la République Yahya Ould Ahmed El Waghef se rendent dans les camps des réfugiés mauritaniens qui se trouvent au Sénégal. De même que des campagnes de sensibilisation et d'explication sont menées auprès des populations, de la société civile, des partis politiques et des autorités religieuses afin de les associer dans le programme de retour des réfugiés mauritaniens concocté par l'Etat.
Toutefois, malgré de telles tentatives, le passif humanitaire semble relégué au second plan. On dirait que cette question serait en train d'être banalisée et occultée par les pouvoirs publics du moins à l'heure actuelle. Pour quelles raisons ? Et par rapport au passif humanitaire, le président de la république soutient l'engagement de l'Etat mauritanien à mener une " enquête honnête et sérieuse " en vue de connaître le nombre exact de personnes qui ont été tuées au cours de ces événements et permettre à leurs familles de recouvrer tous leurs droits.
Tout le monde sait qu’une partie de l'armée nationale a les mains et les bras bien trempés dans le dossier du passif humanitaire. Au sein de cette républicaine, il semblerait qu'il y ait des officiers qui éprouvent une peur bleue. Pour ce qui est de la question judiciaire du passif humanitaire, deux tendances se dégagent : d'une part, ceux qui se sentent mouillés et qui ne voudraient pas qu'on en parle. Cette tendance, parait-il, n'hésiterait pas à agir, à semer la zizanie, si on l’accusait d'avoir participé à ces événements, des menaces à peines voilées. Cette tendance ainsi donc n'aurait pas intérêt que cette question soit soulevée. L'autre aile est plus favorable à la mise sur pied d'un mécanisme d'identification des auteurs. A cet égard, certains officiers célèbres du défunt CMJD ont estimé de leur part avoir les " mains propres " et souhaiteraient qu'on ré-ouvre le dossier et que la lumière soit faite par rapport aux exactions commises au nom de l'armée.
Qui est bourreau et qui ne l'est pas ? Difficile à répondre. Ce qui est sûr et certain, c'est que cette question du passif humanitaire divise l'armée. Et à l'extérieur, l'image de notre armée nationale est galvaudée par son passé tumultueux. Au sein de l'armée, ils sont légion, ceux qui veulent que les choses soient clarifiées et les responsabilités situées. L'armée doit être à l'image du pays. En matière de commandement militaire, la discrimination est patente. Dans cette armée, il n y a pas de volonté d'instaurer un esprit d'équité et de justice. Pourtant le problème peut- être réglé en s'inspirant des exemples marocain et sud africain. Les compensations ne devraient pas obnubiler les ayants droits au point d'occulter le côté juridique du dossier. Ou alors, pourquoi les bourreaux ne présenteraient-ils pas leurs excuses aux victimes qui ont par ailleurs le droit de savoir dans quelles conditions leurs maris ont été trucidés ? En outre, par rapport au plan de règlement, c'est à l'Etat de voir les modalités pratiques. Les veuves disent ne point s’opposer au pardon. A condition que les bourreaux avouent leurs crimes.
Aujourd'hui, c'est un défit, si l'état veut régler aussi le passif humanitaire, le premier signal fort qu'il devrait entreprendre, c'est de démettre les officiers de certains commandements de l'armée. Le Président de la République en est certainement conscient. C'est sans doute ce qui explique qu'il est en train d'opérer des mutations en douceur au sein de la grande muette. Le CMJD avait penché sur les méthodes à utiliser dans le cadre du passif humanitaire. Mais il y a eu cependant un relâchement à l'époque. Les bourreaux peuvent avoir une porte de sortie honorable. Encore faudrait-il qu'ils assument leur leurs actes et aient le courage de reconnaître ce qu'ils ont commis.
Comme ce sont des militaires, n'avaient-ils pas agi sous commandement ? Un autre débat dans un débat.
Babacar Baye N'diaye
Le Rénovateur N°244 du 09/08/07
Note: Info source : Le Rénovateur (Mauritanie)

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